En ce début de juin, j’ai eu l’opportunité d’animer, une nouvelle fois, un séminaire réunissant les cadres (plus de 100) d’une entreprise dite « traditionnelle » et néanmoins toujours très performante économiquement.
En préparant avec les dirigeants de ce groupe l’intervention et l’animation des échanges, j’ai senti rapidement que les managers ressentaient une sorte de « mal être » dans l’exercice de leur fonction d’encadrement tel que l’arrivée des nouvelles générations Y et Z était en train de leur imposer. Ce sont peu ou prou leurs termes… J’entendais des mots tels que « mutants », « désintéressés », « sans implication », « loin des valeurs de discipline et d’autorité », « déconnectés de l’entreprise parce que trop connectés par ailleurs », etc… Et je sentais que le « mood » général au sein de cette belle entreprise était plus orienté vers un rapport de forces entre générations que dans l’empathie…
Alors, oui, évidemment, les temps ont changé!
D’abord et avant tout par l’arrivée de ces nouvelles générations qui ont grandi avec le digital (digital natives), mais aussi avec la stagnation, voire la décroissance, avec la précarité observée chez celles et ceux qui souvent les entouraient, avec les crises financières et économiques, entrainant perte d’emploi, misère pour certains, avec les turbulences écologiques, humanitaires, avec les conflits qui sont le quotidien des infos permanentes…
Mais aussi par l’évolution du monde en général, au-delà de ces seules nouvelles générations. Un monde dans lequel les gens prennent conscience des enjeux, un monde dans lequel la plupart d’entre nous est mille fois plus informée qu’avant, un monde dans lequel la confiance a été érodée…
La notion traditionnelle du « chef » est en train de disparaître…ceux qui étaient incontestés, respectés, parfois voire souvent craints, légitimement ou pas d’ailleurs, vivent sans doute leurs dernières heures…Aujourd’hui, le mot même « encadrement » est devenu ringard…
Dans un tel contexte, beaucoup de managers, élevés et formés dans ce culte de l’autorité, du respect et de la discipline, se sentent à juste titre mal à l’aise. Ils sont surtout mal préparés et mal accompagnés! Mais eux aussi ressentent ce besoin, cette nécessité de faire autrement car eux aussi, ils ont la plupart du temps un « chef »…
Et cette évolution en marche est une chance!
Transformer des organisations très verticalisées en des structures plus plates, offrant plus de proximité donc plus d’échanges, c’est une chance!
Passer de la posture du « petit chef » (ou « grand chef à plumes » comme le disaient certains), qui impose et exige sans explication autre que « c’est comme ça! », à celle du coach, de celle ou celui qui accompagne, qui explique, qui donne la vision et le « pour quoi » (mieux encore que le « pourquoi »…), qui globalement fait ressortir et grandir les « ressources humaines » avec lesquelles elle ou il travaille (collabore), c’est une chance!
Arrêter de dire à ces collaborateurs de faire ci ou ça, ou de vérifier plusieurs fois par jour où ils en sont, et même de valider la ponctuation de leur future présentation au N+2, mais être celle ou celui qui décrit l’objectif global, qui explique les enjeux, qui est transparent sur les risques et opportunités, qui donne envie, et qui donc initie et fait naître l’implication, l’apport et la créativité de chacun, c’est une chance!
Etymologiquement, le mot travail vient de la notion de torture, de dureté… Alors, certes, sans tomber dans l’irresponsabilité de décrire un monde de « bisounours », chercher à créer des environnements et des ambiances de travail sérieuses sans se prendre au sérieux, favoriser les échanges, générer l’inspiration du plus grand nombre, éliminer la notion de crainte pour celle de sérénité, c’est une chance!
C’est une chance parce que l’immense majorité des managers actuels ressentent aussi ce besoin de se transformer, pour eux et pour les autres…
C’est une chance parce que de telles postures « ouvertes » favorisent naturellement la diversité. La diversité des âges et la transmission, le partage, qui vont avec. La diversité des genres qui permettra cet apport considérable que la féminisation offre aux structures qui la favorisent. La diversité sociale indispensable à un monde désormais global et non plus replié, la diversité des cultures et des origines. C’est une chance parce que la diversité créé la richesse!
En conclusion, après avoir choisi le parti d’animer ce séminaire autour de la chance qui nous est offerte de manager autrement et non son risque, j’ai eu la très grande satisfaction et même le bonheur de constater que c’est bien ce discours qui intéresse les « cadres traditionnels », qui leur donne envie à eux aussi, qui éclaire d’intérêt le rôle qui est désormais le leur… Bien plus que l’opposition, que le rapport de forces, que l’incompréhension qui conduit inévitablement à des jugements de valeurs, le plus souvent infondés…Merci aux dirigeants qui l’ont compris aussi!